Nous passons la frontière sans aucun souci. Ici pas besoin de visa et notre porte-feuille se délecte. La Thaïlande, le pays du sourire où une junte militaire ultra- royaliste est au pouvoir depuis le coup d’État de 2014. Le crime de lèse majesté a été renforcé. Les élections sont sans cesse repoussées et des manifestations ont lieu à Bangkok pour réclamer un retour à la démocratie. 2 exemples : un thaï a été condamné en 2017 à 20 années de prison pour avoir critiqué la famille royale! 2 américains sont en prison depuis fin novembre 2017 pour s’être amusés à montrer leurs fesses devant un temple bouddhiste à Bangkok. Ils ont été arrêtés en quittant la Thaïlande. Très cons ou certainement éméchés, mais tout de même. Ils n’ont pas été pris en flagrant délit, mais pour avoir publiée cette photo sur leur compte Instagram. Je me marre en pensant à tous ces conspirationnistes français qui prétendent que la liberté d’expression est muselée. A côté de cela, le tourisme sexuel va bon train!!! L’ancien royaume du Siam est le seul à n’avoir jamais été colonisé en Asie du sud-est. Leur situation économique tend à leur donner raison. Les filles, en arrivant à Chiang Rai, ville la plus importante proche du triangle d’or s’exclament : « On dirait la France!!!» Beaucoup de voitures, de panneaux publicitaires, de touristes… Est-ce pour cela que nous avons décidé de n’y rester que 20 jours? Certainement, car comme dirait Ugolin dans « Jean de Florette », on veut cultiver de l’authentique! On se focalisera donc sur le nord, où nous passerons les 2/3 de notre séjour.

 

 

Première sortie, le temple blanc. Il est récent et unique en Thaïlande. C’est l’oeuvre d’une vie d’un artiste, Kositpipat, né à Chiang Rai et qui a tout simplement voulu lécher les bottes à Rama IX, ancien roi de Thaïlande décédé en 2016. Le blanc symbolise la pureté du bouddhisme et pour accéder au temple il faut traverser des mains dressées, représentant les créatures de l’enfer, vers le ciel. C’est vrai qu’il est beau et je salue l’oeuvre des «petites mains» qui l’a réalisé. Mais il est ultra touristique et kitsch à souhait. Bien loin du bouddhisme auquel on pourrait aspirer. D’ailleurs, les moines se cloîtrent pour avoir de l’intimité. Ce temple reflète surtout l’idée d’un mégalomane à l’orgueil démesuré.

 

 

Bien moins connu, en cours d’achèvement, le temple bleu. Construit sur les ruines d’un ancien temple, c’est un petit joyau. Son hall, d’un bleu profond accueille un bouddha blanc. Le contraste est saisissant. Ce sont les villageois qui ont voulu reconstruire ce temple et c’est réussi. Des boules de verre permettent de jouer avec des reflets inversés. Un peu comme le Yin et le Yang. Un de mes temples préféré en Asie du Sud-Est. Intimiste pour le moment, il va devenir célèbre et bientôt, il sera noir de monde.

 

 

D’ailleurs, nous continuons vers la Maison Noire de Thawan Duchanee. C’est le premier artiste peintre thaïlandais de renommée internationale. Ici, on sort du clinquant et de l’apparence. L’univers est noir et mystique. Thawan Duchanee est le Jérôme Bosch asiatique. Dans les différentes maisons, il y a cornes, peaux, coquillages, ossements d’animaux exposés. Cela interpelle, cela choque, mais cela ne laisse pas indifférent. Ici, on se pose réellement des questions sur la relation que nous avons avec le monde animal. Le bouddhisme réfute la souffrance et la mort que nous causons au monde animal. Quelle plus belle expression que cette exposition pour en prendre conscience!

 

 

Nous prenons un taxi pour la journée afin qu’il nous emmène aux confins du nord Thaïlandais. Direction le fameux Triangle d’Or. C’est ici que la Thaïlande, le Myanmar et le Laos ont une frontière. Haut lieu du trafic d’opium, cet endroit est complètement sécurisé côté thaïlandais suite à l’action de la reine mère. Mais les contrôles de police sont énormes car le Myanmar produit toujours du pavot, alors que des aides financières ont été attribuées aux agriculteurs thaï pour qu’ils s’orientent vers le thé, les fraises, les ananas… Pour ne pas partir imbécile, on en profite pour visiter le musée de l’opium. Sur 4000m², il retrace les 2 guerres de l’opium, les méfaits et les bienfaits médicinales avec toujours une sensibilisation sur les dangers de la drogue. Nous sautons sur l’occasion pour mettre en garde les filles, car certaines images sont parlantes. Nous finissons notre journée par la visite d’une plantation de thé. Malheureusement, le processus de fabrication n’est expliqué que sur écran, mais nous pouvons tout de même nous promener dans les plantations, faire des dégustations et goûter à des pâtisseries à base de thé.

 

 

On s’apprête à vivre notre seconde expérience avec les éléphants. Plus précisément avec Elephant Steps à 1h de route au nord de Chiang Rai. C’est géré par Sophie, une française, tombée sous le charme de la Thaïlande du nord lorsqu’elle était venue avec ses parents à 13 ans. Elle s’était promis d’y retourner et cela fait plus de 20 ans qu’elle y habite. Mariée à un membre de l’ethnie Karen, nous logerons dans la guesthouse de sa belle famille. Les Karens sont un peuple venu de Birmanie. Ils sont animistes et chrétiens dû à la colonisation anglaise de la Birmanie. Essentiellement agriculteurs, ils sont connus pour leur attachement à la préservation de l’environnement. Nous arrivons sur place et sommes accueillis par Mélanie, 45 ans et sa fille Gipsy 18 ans. Deux éléphantes câlines et avides de nourritures. Il y a aussi Papycoon, 80 ans, un éléphant que Sophie est allé chercher, en s’endettant de 20000€, dans un centre d’éléphants pour touristes à Pattaya dans un état déplorable. Battu, brûlé à l’acide il se remet doucement. Ici il y aussi, cochons, poules, chevaux, oies et 25 chiens. Une vraie ménagerie. Tous ont été récupérés, sauvés d’une mort certaine.

 

 

Après avoir fait connaissance avec les éléphants, nous enfilons nos habits Karens et nous les nourrissons. Enfin, c’est plutôt un amuse-gueule car elles mangent une centaine de kilos par jour! Nous faisons notre randonnée dans la jungle et il est toujours impressionnant de voir comment ces mastodontes se déplacent, tout en douceur, sur ces petits sentiers. Après un bon repas servi dans la jungle sur des feuilles de bananier, nous nous dirigeons vers le lieu de baignade. Couchés ou debout dans l’eau nous pouvons monter sur elles à cru. On les frotte, on les câline, un vrai moment de communion. Nous rentrons au camp et nous disons au revoir à Mélanie et Gipsy. Elles passent la nuit en forêt pour se restaurer. Nous restons avec toute la basse-cour et la belle famille autour du feu. Ici, il n’y a pas d’électricité, on s’éclaire à la lampe à huile, mais les filles sont heureuses et nous aussi. D’ailleurs, lorsque nous quittons le lieu, Océane pleure. Elle ne veut plus être vétérinaire mais faire comme Sophie!!! Bon, elle nous a promis de ne pas nous faire payer l’hébergement et les promenades. Maëva, elle, devra passer à la caisse si elle ne veut pas s’associer $$$. Même pas 8 ans et déjà dans la négociation.

 

 

Nous arrivons à Chiang Mai, troisième plus grande ville du pays, si on excepte les environs de Bangkok. Nous y restons 5 jours pour pouvoir profiter de cette ville qui est apparemment jolie. Malheureusement, nous visiterons les hôpitaux. Inès a de la fièvre depuis 5 jours qui fait le yo-yo au gré du paracétamol. Heureusement l’hôtel est avec piscine et les filles peuvent s’amuser pendant qu’Inès se repose. Des traces de typhus ont été retrouvées dans le sang mais nous ne saurons jamais. Une suspicion de dengue a été retrouvée également. En tout cas les antibiotiques ont fait leurs effets. Les hôpitaux en Thaïlande étant très bon, Inès a bien choisi son pays pour consulter…                                                              Nous pourrons tout de même visiter deux choses dans les environs : le musée Art in Paradise et Elephant Poopoopaper Park. Le musée ressemble à un mélange de trompe l’oeil et de 3D. Grâce à l’application du musée, certains tableaux prenaient vie. Première fois que nous voyons un musée de la sorte. Très ludique, nous nous sommes bien amusés.

 

 

Elephant Poopoopaper Park est différent. Chiang Mai est connu pour le nombre d’éléphants environnants, alors pourquoi pas recycler leurs excréments en papier! Les crottes sont séchées avant d’être cuites à feux doux pendants 5 bonnes heures pour éliminer les bactéries. Il est important de bien mélanger le tout. Puis, elles sont rincées 3 fois avant de pouvoir les teinter avec des éléments naturels. On étire une boule dans l’eau sur un tamis pour ensuite la laisser sécher au soleil plusieurs heures. Nous pouvons, enfin réaliser nos souvenirs personnalisés. Ce sera 2 livres photos pour les filles et 2 portefeuilles pour nous. Je l’appelle Pepette. Joli nom pour un objet recueillant de l’argent confectionné grâce aux vents d’éléphants.

 

 

Nous pensons quitter cet univers scatophile pour rejoindre celui du tourisme sexuel, au sud. Finalement nous aurons droit au deux. On emprunte le bus de nuit vers Hua Hin. Sympa le bus de nuit aux sièges inclinables, sauf que l’on vous réveille à 1h30 du matin pour aller manger. Heureusement que les sièges ont des écrans, comme dans les avions, pour que les filles puissent se rendormir. Nous arrivons dans cette ville tôt le matin. A 200 km de Bangkok, elle fût la première station balnéaire de Thaïlande. La ville n’est pas belle, la mer ne ressemble pas aux photos, elle est brune. Les kit-surfeurs côtoient les quelques baigneurs qui évitent les méduses et surtout les méduses boites. Un des animaux les plus dangereux sur terre. Les chevaux, lors de balades pour touristes, enrichissent la plage de mictions et d’étrons. L’expression «patauger dans la merde» prend tout son sens!!!Et puis, il y a les vieux canassons scandinaves (pour les français c’est en face dans le golfe de Thaïlande, à Pattaya) avec une pouliche. Océane, observatrice, nous dit : «Pourquoi les filles qui sont avec les blancs sont bien habillées et en talons?» Comment te répondre ma chérie? Après la plage, de nouveau dans la merde! Il est dit que Hua Hin sera la ville des dictons : «Jamais deux sans trois». Encore une fois, on va patauger dans les fèces parce que je vais devoir dormir les fesses par terre dans un Resort. Eh oui on voulait profiter pendant 3 jours avec plage et piscine. Le site de réservation indique 1 lit double et 2 lits simples. On se retrouve avec deux matelas simples! Il fallait lire 1 lit double ou 2 lits simples. Aucun matelas supplémentaire disponible, je me retrouve à dormir sur une couverture posée sur un morceau de bois. Le plus drôle c’est que les femmes de ménage me refaisaient mon lit de couverture tous les matins. Je pourrai toujours dire que nous avons payé plus de 50€ pour que je puisse dormir à même le sol dans un Resort.

 

 

On quitte ce lieu pour rejoindre Kanchanaburi. C’est ici que se trouve le fameux pont de la rivière Kwai. Rendu célèbre par le roman de Pierre Boulle et par l’adaptation cinématographique qui en découle, ce pont a été construit par les japonais pendant la 2ème guerre mondiale. La «voie ferrée de la mort» relie la Thaïlande au Myanmar sur plus de 400 km. 100 000 travailleurs forcés asiatiques et 30 000 prisonniers de guerre alliés l’ont construite. Il en résulte environ 50 000 victimes côté asiatique et 15 000 côté prisonnier surtout dû aux mauvais traitements et aux maladies tropicales. Le cimetière militaire de la ville qui contient les restes de près de 7000 alliés en atteste. Le train, lui, circule toujours. Journée plus légère le lendemain. On emprunte un bus local et pourri (sur une photo le conducteur est désaxé par rapport à son volant). 1H30 pour faire les 70 km permettant de rejoindre les cascades Erawan. Des chutes qui se jettent sur 2km dans 7 vasques différents. Présentées comme somptueuses, et bien que jolies, elles ne valent pas les Kuang Si Falls à Luang Prabang. Tout le monde s’y presse et c’est noir de monde. Encore une déception thaïlandaise. 

 

 

On file vers notre dernière étape dans ce pays. Bangkok. Mégalopole de 20 millions d’habitants où nous passerons 3 nuits. C’est une ville asiatico-occidentale où tout est possible. On n’accroche pas, mais nous pourrons aller réparer le téléobjectif de l‘appareil photo à moindre coût et acheter des pantalons shorts chez Décathlon. Les filles sont complètement folles dans les centres commerciaux. Sans être péjoratif, elles se comportent comme des paysannes venues du fin fond de la Creuse et arrivant à Paris! Nous ne sommes pas mécontents de quitter la Thaïlande pour le Myanmar. Nous avons rencontrés beaucoup de voyageurs venus 10 ans auparavant et qui n’apprécient plus le pays actuellement. Le pays du sourire s’est transformé en pays du sourire factice. Le nord perd petit à petit son âme. Le sud lui est ultra-touristique et franchement nous préférons les Antilles. Et puis tous ces blancs, à partir de la quarantaine, qui flirtent avec des thaïs sans souci alors que la cigarette électronique peut-être punie de 10 ans d’emprisonnement...Petite anecdote. Je suis sorti une fois seul à Bangkok pour des courses. En 150 mètres je me suis fait accosté 4 fois pour des massages et une fois pour des massages particuliers avec photos féminines à l’appui. Jamais cela m’est arrivé lorsque nous nous promenions en famille. Ce pays est fait pour les personnes qui veulent voyager tropicale avec les facilités occidentales ou pour les mecs seuls voulant passer du bon temps. Il ne nous correspond pas. La Thaïlande est morte, vive le Myanmar.